vendredi 9 février 2007

22) Au CNEA (2)

Je dirai un peu plus tard pourquoi, dans ce blog sur Van Hove, j’écris sur le CNEA.
Le CNEA est une association Loi 1901 qui fait du lobbying pour la défense et la promotion des enseignements artistiques en milieu scolaire de la maternelle à l’université, les enseignements en question étant, principalement mais non exclusivement, la musique et l’art pictural (dessin et arts plastiques).
À l’époque où j’ai connu son Secrétaire Général, Alain Casabona, le CNEA avait ses bureaux dans un immeuble bourgeois et ordinaire du côté de la rue du Bac. Mais en 2002, Alain a pu s'installer avec sa petite équipe là où Pablo Picasso a peint Guernica en 1937, à savoir dans un atelier au dernier étage d’un hôtel du XVIe siècle situé 7, rue des Grands-Augustins, dans le 6e arrondissement de Paris, à deux pas de la Seine (visite gratuite et sur rendez-vous recommandée). Photo ci-dessous. Pablo Picasso : Alain Casabona, qui est toujours à la recherche de célébrités pour cautionner son action, ne pouvait rêver mieux comme renfort tutélaire.
Maintenant, voici une photo prise dans l’Atelier et qui résume ce en quoi le cas CNEA-Alain Casabona me semble fascinant : À gauche, on voit le piano sur lequel Alain semble capable de jouer tout ce que l’histoire de la musique compte de chefs-d’œuvre classiques et de faire revivre cette tradition avec une passion communicative. À droite, l'affiche de l'exposition de Picasso qui a eu lieu à Milan en 1953, complétée par une série de reproductions de dessins sur le même thème de "Guernica" accrochées tout autour de la pièce.
A gauche, la musique classique toujours au pinacle comme pratique artistique. A droite, la peinture moderne et, allant de pair avec la promotion de cet art, le bannissement de la peinture classique comme pratique.
Au CNEA et dans l'ensemble de notre société, on peut continuer à jouer du piano comme au XIXe siècle, mais plus question de dessiner comme Ingres ou Raphaël.
Ce que je voudrais ajouter ici, ce sont les citations suivantes concernant Picasso avec qui je sais Alain Casabona totalement et pieusement en phase :
C’est Brassaï qui raconte : "Un jour que je visitais une exposition de dessins d’enfants en compagnie de Picasso, celui-ci me dit : « Quand j’avais leur âge, je dessinais comme Raphaël, mais il m’a fallu toute une vie pour dessiner comme eux. »
« Picasso se plaignait de n’avoir jamais su peindre comme un enfant.» (Extrait de « Le Printemps des génies, les enfants prodiges », ouvrage édité par la Bibliothèque Nationale et Robert Laffont en 1993.)
« Mes tout premiers dessins n’auraient jamais pu figurer dans une exposition de dessins d’enfants. » (Id.)
« Une chose curieuse, c’est que je n’ai jamais fait de dessins d’enfant. Jamais. » (Id.)

1 commentaire:

Sejan a dit…

Intéressantes ces notes sur le CNEA et son animateur principal. Mais rajoutons deux mots, à propos de dessins (Picasso n’a pas tort, il est des individus qui commencent par être vieux. La jeunesse leur est alors un long et difficile apprentissage.... Passons) qui nous rapprocheront de VH pour ensuite un peu divaguer.

Car je pensais à elle, dont j’aime tant l’imperfectible “manière” dessinée, l’autre dimanche en allant, avec N., voir les Rembrandt exposés à l’Institut Néerlandais (jusqu’au 11 mars; 6 € (4€ pour le n-ième âge, avec n≥3); commentaires de Philippe Dagen dans Le Monde du jeudi 25 / 01).

Exposition passionnante ... et qui laisse rêveur. Cinquante-cinq dessins “authentifiés” et quelques “autrefois attribués à”, depuis redistribués... Rêveur? Parce que, sauf à se croire obligé de crier - au seul nom de Rembrandt - au génie, il y a de l’étonnant, du curieux, du touchant, de l’émouvant comme il y a du vague et - le béotien assume! - du moins bon. Rêveur parce que s’il est évident “à l’œil nu” que le n° 49 “authentifié” (L’Élévation de la croix) est d’une grande force et que La crucifixion du Christ réattribuée à Van den Eeckhout ne supporte pas la comparaison, je ne suis pas certain que Picasso n’aurait pas pris pour un dessin d’enfant vaguement prometteur le n° 35 (Vue sur une porte d’écluse avec des maisons à l’arrière-plan), le même enfant mettant d’ailleurs sans doute plus de temps à tirer la langue sur la recopie du titre que sur l’exécution du crayonnage..... Glissons.

Car il y a un mais.... Un mais technique, et dont l’élucidation m’a donné assez de mal pour que je me fasse un plaisir de la déposer en hommage aux pieds de l’artiste à laquelle ce blog est consacré.

Négligemment jetée au fil des commentaires, l’indication suivante a heurté mon goût de la compréhension: ... exécuté à l’encre ferrogallique. Mais encore? Et bien voici, en poupées russes:

L’encre ferrogallique est une encre fabriquée à base de noix de galle, de sulfate de fer et de gomme arabique. Très foncée à l’origine, elle se dégrade par oxydation au fil des ans et - comme c’est ici le cas sur les dessins de Rembrandt qui l’a fréquemment utilisée à la fin des années 1630 - elle s’éclaircit jusqu’à devenir simplement brune.

Soit, l’explication passe encore pour le sulfate de fer et la gomme arabique... Mais la noix de galle? Qu’apprends-je? Ceci: ... qu’on appelle galle une excroissance produite sur les tiges, les feuilles ou les fruits de certains végétaux par des piqûres d'insectes parasites, appartenant notamment au genre Cynips, qui y déposent leurs œufs. Les plus connues sont les galles du chêne (ou noix de galle, galles du Levant), produites le plus souvent par Cynips quercusfolii. Elles poussent sur les feuilles ou à leur aisselle, et sont parfaitement sphériques. Diverses galles du chêne, très riches en tannins, ont été utilisées comme colorants dans le tannage des cuirs .... et aussi dans l’élaboration d’encres. Nous y voilà!
Complémentairement : ...On a longtemps réservé le terme de galles aux seules excroissances produites sur les chênes par les Cynipidés, mais on l'utilise aujourd'hui comme synonyme de cécidies, autrement dit des excroissances dues à des insectes très différents les uns des autres, s'attaquant à de nombreuses plantes et produisant des tumeurs aux formes variées. On qualifie ces insectes de gallicoles.

Acceptons. Mais quand même, ce Cynips , fût-il quercusfolii, qu’en sait-on d’autre?
Au moins ceci : Pour l'entomologiste, les Cynips (au sens large) sont de petits hyménoptères, à l'instar par exemple des abeilles, guêpes, et fourmis. Leur taille n'excède pas 4 ou 5 mm, et comme tout hyménoptère, ils sont dotés de quatre ailes, ce qui les différencie des diptères (c.a.d. des "mouches" au sens large) qui en portent deux. Pour qui en a vus, ils ont un vague air de cigales naines. Et ce sont gens forts modestes, forts dissimulés au sein d’une population nombreuse et avec eux et comme eux fort occupée par piqures, pontes et autres pratiques à provoquer à nos malheureux chênes (et autres végétaux) divers désagréments, puisqu’un passionné a pu, dans la seule région nantaise s’il vous plaît, mais sans doute au prix d’une longue patience, en “récolter” moisson parmi tant de leurs petits copains qu’il a capturés et dont il nous livre alphabétiquement classée la fascinante nomenclature:

... {Biorhiza pallida - Andricus fecundatrix - Andricus kollari - Andricus quercuscalicis- Andricus lucidus - Andricus lignicolus - Andricus aries - Andricus curvator - Andricus quercustozae - Neuroterus quercusbaccarum - Neuroterus numismalis - Neuroterus albipes - Cynips quercusfolii - Cynips longiventris - Cynips divisa - Diplolepis rosae} ...

... déplorant - et comme on le comprend!- de n’avoir trouvé aucun spécimen du type Andricus dentimitratus qui eût harmonieusement complété la cueillette.

Rembrandt savait-il cela? Le sachant, eût-il mieux ou autrement dessiné? Vaste question que je ne trancherai pas ....