Nouvelle question (difficile) de Chipou à propos de FVH : « Quelle est la part de "spirituel" dans la peinture de Francine Van Hove ? FVH est-elle catholique ? »
Réponse : FVH a eu une éducation catholique, mais elle en a fini avec cette religion et toutes les religions en général, y compris celle de l’Art. Elle ne pratique plus aucun culte. (Ce qui n’est pas tout à fait exact à mon sens, dans la mesure où chaque fois qu’elle va à Château-Landon, chaque fois sans exception, elle se rend sur la tombe de ses parents et sur celle de sa grand-mère, pour vérifier que les plantes en pot qu’elle y a déposées la dernière fois ont bien tenu, ou pour en apporter de nouvelles. N’est-ce pas là une sorte de culte des morts ? Qu’on peut aussi expliquer, bien sûr, par un reste de catholicisme. Ou, plus simplement encore, par le fait que ses morts continuent de vivre dans sa pensée. Tout particulièrement son père, Mamé, et aussi son petit frère Bernard, connu comme dessinateur sous son nom de crayon de Bernar (sans d), récemment disparu et pour lequel il n’existe pas de tombe à fleurir vu qu’il a été incinéré.)
Quand je dis qu’elle ne pratique plus aucun culte, même plus celui de l’art avec majuscule, je fais allusion au fait que, il y a des années, quand elle était étudiante et qu’elle se rendait au musée du Louvre, elle avait l’impression de pénétrer dans un espace peuplé d’êtres supérieurs d’une dimension presque divine. Et puis, progressivement, à force de les fréquenter, ces maîtres du Louvre, dont elle continue d’admirer les œuvres, sont devenus des confrères et des consoeurs devant lesquels elle ne se sent plus tenue à un respect obligatoire.
Aujourd’hui, quand elle va au Louvre, ce qui lui arrive assez souvent, le mercredi ou le vendredi soir de préférence, quand les salles se sont vidées de la foule des touristes, elle se sent « en visite » comme on dit, tout simplement. En général, d’ailleurs, elle choisit un tableau et dit "Je vais voir...".
Elle va voir la « Mademoiselle Rose » de Delacroix, ou les autoportraits de Rembrandt, ou « Le Tricheur » de Georges de la Tour.
Il lui arrive aussi de se déplacer pour voir un tableau précis et d’être accrochée au passage par un autre auquel elle consacre alors une bonne partie du temps de visite qu’elle avait prévu d’accorder au premier. C’est ainsi que, l’autre jour, elle est restée un quart d’heure devant un Jean-Siméon Chardin, « Le Bocal d’olives », de 1760, dont la présentation a été assortie par les conservateurs du commentaire suivant, signé Diderot : « On n’entend rien à cette magie… Approchez-vous, tout se brouille, s’aplatit et disparaît ; éloignez-vous, tout se crée et se reproduit… » Ce qui est aussi vrai que naïf et touchant.
Spirituel ? Une chose est sûre : ce mot de « spirituel » la gêne.
Une autre chose est sûre : certains tableaux, quelquefois très éloignés de sa propre manière, comme ce Chardin, l’émeuvent profondément. Elle ne peut pas s’empêcher de penser qu’il y a quelque chose « derrière », quelque chose qu’elle appelle le mystère de la beauté.
Le même mystère qu'elle pressent devant la nature quand elle est belle, devant, par exemple, la vue qu’on a en sortant du Louvre par ses guichets sud, les soirs d'hiver, sur la Seine et l'Ile de la Cité à partir du pont du Carrousel. L’impression qu’il y a quelque chose de caché derrière, quelque chose de fuyant que Chardin a réussi à attraper avec son bocal d’olives, et qu’elle s’efforce elle aussi d’attraper quand elle peint. Un sentiment troublant et assez angoissant, pas heureux, mais assez intense et vivifiant pour qu'on ait envie de refaire l'expérience.
Il lui arrive de penser qu’il s’agit là d’un vague souvenir de quelque chose qui s’est passé « avant » et qui s’est abîmé en arrivant sur terre.
Est-ce spirituel ? Pourquoi employer un tel mot, ou éviter de l’employer ? Comme a dit Pierre Dac, on peut toujours appeler une vache un cheval, à condition de s’entendre au départ.
dimanche 21 janvier 2007
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1 commentaire:
"Il lui arrive de penser qu’il s’agit là d’un vague souvenir de quelque chose qui s’est passé «avant» et qui s’est abîmé en arrivant sur terre".
Ces réminiscences "d'avant" sont (entre autres) dans la tradition socratique (Platon reprend une conception de la philososphie antique où les âmes du monde souterrain, avant de s'incarner, boivent l'oubli au fleuve Léthé)et cette certitude de temps antérieurs où on a connu les réalités pures fait de la cigüe que le philosophe va boire le moyen bienveillant d'y accéder enfin de nouveau.
Dans la tradition juive également, à la naissance, l'ange de l'oubli effleure (frappe?) la bouche du nouveau-né avec un bâton pour qu'il ne puisse rien révéler de ce qu'il a connu là "d'où il vient"...
Au quotidien, sentiments vagues dans les moments de grâce d'une émotion esthétique et/ou rêveries de tempéraments métaphysiques ....?
Matérialistes purs et durs, s'abstenir....!
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