« Tu me dis », me dit mon amie Pascale, « que Francine Van Hove ne peint pas à partir de photographies. Mais j’ai du mal à te croire quand je regarde un tableau comme « Ophélie », et surtout le vêtement en cuir. On dirait vraiment de la photo. Mais peut-être n’ai-je pas l’œil assez exercé pour voir la différence… »"Ophélie" est reproduite dans un des livres sur Van Hove, publié en1987. Le tableau lui-même est de 1986. Vingt-deux ans déjà…
Explications.
Premier point : tous les êtres et objets représentés ont posé, et cela de longues heures devant le peintre. La jeune femme, Karen, a posé. Les coussins de cuir ont posé. Le vêtement en cuir a posé. Les deux coussins en bas à droite ont posé. Les chats, Sarah et sa fille Annabelle, ont posé. L’ombre de la fenêtre et de sa rambarde également. Et la moquette.
Deuxièmement, ces êtres et objets n’ont pas posé tous ensemble. On s’en doute en ce qui concerne les chats qu'on ne peut commander et qu’il a fallu dessiner au moment et là où ils choisissaient de s'endormir en yin-yang, ce qui arrivait souvent, heureusement, et est d'ailleurs arrivé une ou deux fois exactement comme on le voit dans « Ophélie ».
Le divan a été peint en deux fois et deux endroits différents. A l’époque de ce tableau, en effet, FVH ne disposait pas encore d’un véritable atelier, ni même d’une pièce d’appartement à la fois assez claire et assez grande pour y installer son divan en entier. Elle a donc dû se contenter d’une partie de ce divan –ses coussins- pour y allonger Karen, en laissant le reste dans une autre pièce –plus grande mais aussi trop sombre-.
Si on regarde plus attentivement, on verra que la jeune femme repose, non vraiment dans le divan, mais sur des coussins de divan seulement, à même la moquette.
En l’absence du modèle, les plis produits par ses pieds s’enfonçant dans le coussin devaient être reproduits avec des poids de balance ancienne.
Pour exécuter le dossier du divan, le peintre s’est transportée avec son chevalet de campagne dans l’autre pièce plus grande mais aussi plus sombre, son salon, jouxtant sa chambre-atelier. Mais il ne s'agissait que d'un petit bout de dossier.
Avec cela, il a fallu profiter de plusieurs visites du soleil dans cette petite pièce orientée sud-sud-ouest pour faire les ombres de l’ouverture de la fenêtre et de sa rambarde en fonte, puis les deux coussins en tissu.
Je raconte tout cela, qui peut paraître ennuyeux et superfétatoire, pour bien préciser que Van Hove travaille à l’ancienne (comme avant 1830), et pour évoquer aussi de quelles facilités elle se prive en n’utilisant pas la photographie grâce à laquelle elle eût pu réduire le temps de pose de la veste à quelques minutes, au lieu des plusieurs semaines.Chère Pascale, pour en finir avec cette longue explication : je peux comprendre que tu ne le croies pas, et que cela paraisse incroyable aux yeux de la plupart des gens aujourd’hui, mais, parole de témoin, ce tableau a été peint tout entier directement sur le motif.
Maintenant, est-ce que moi, qui prétends m’y connaître un peu plus que toi en peinture figurative, je verrais la différence entre une représentation de ce type et une représentation à partir d’une photo ?
Ca, c’est une autre question pour un numéro ultérieur.
mardi 18 mars 2008
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1 commentaire:
Cette explication est tout sauf ennuyeuse ! Merci de nous faire partager ces détails concernant le procédé de création de l'artiste, c'est fort intéressant.
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