Mon blocage de ces dernières semaines est lié à deux réflexions. La première a fait l’objet du message 58).
Voici la seconde, en plusieurs propositions :
- peinture traditionnelle et photographie appartiennent à la même ligne évolutive, la photographie descendant de la peinture figurative comme on a longtemps dit que l’homme descendait du singe ;
- il est tout à fait justifié jusqu’à un certain point de dire d’un tableau de Van Hove ou de n’importe quel bon petit maître Flamand des XVe et XVIe siècles, ou d’un Andrew Wyeth, que c’est comme une photo, soit pour complimenter (« C’est beau comme une photo ! »), soit pour déprécier (« Ce n’est que de la photo ! »)… sauf qu’avec les peintres que je viens de citer, on se trouve en présence, non de photographies, mais de peintures ;
- parmi les gens qui achètent des Van Hove, il y en a qui considèrent ses tableaux comme des espèces de photos, photos d’un monde imaginaire, certes, mais photos tellement photographiques qu'on a l'impression de scènes réelles ;
- et il y en a qui y voient, en pluss, de la peinture ;
- pour aimer la peinture figurative, il faut ainsi être naïf comme un enfant, ou naïf comme un « adulte chez qui l’enfant de sept ans est resté vivant » ;
Et ici, je reviens à l’article de J.-D. Lajoux dont j’ai déjà donné des extraits en 53) et 57), et qui mériterait à mon avis de faire date en histoire et en philosophie de l’art.
En nous révélant que des hommes adultes peuvent ne pas être capables de lire une photo, il nous offre la possibilité de prendre conscience de la profondeur de notre conditionnement à la photographie, qui nous induit à penser -comme J.-D. Lajoux avant cette expérience- que ce moyen de représentation possède « les qualités d’un langage universel ».
« Je gardais [jusqu’] alors le sentiment que la photographie possédait les qualités d’un langage universel, Mais ce n’était qu’une illusion. »
On a évoqué plus haut la naïveté de ceux qui, devant une peinture figurative, réagissent spontanément comme s’il s’agissait d’une photo (« faite à la main »). Puis la naïveté de ceux qui continuent à aimer la peinture figurative comme reflet de la réalité en même temps que comme peinture. Voici une troisième naïveté : celle du savant (celle de J.-D. Lajoux et la nôtre) qui ne savait pas, avant sa rencontre avec ces villageois du Sud-Vietnam, que « l’image photographique noir et blanc est une représentation symbolique dont la compréhension n’est pas évidente ».
Dans son article, J.-D. Lajoux nous fait ainsi le récit de deux prises de conscience fulgurantes, de deux illuminations :
- celle de l’homme évolué qui découvre que la photographie, ce n’est pas évident, pas ordinaire pour l’homme, que c’est au contraire quelque chose d’ extraordinaire, au sens fort et premier du terme,
- celle d’un « primitif » -un jeune garçon !- qui découvre la photographie.
« En effet, ce fut un jeune garçon, attentif à mes propos, qui comprit le premier ce que je répétais depuis dix minutes : « Là, les yeux, ici le nez, la bouche, les cheveux, etc. ». Alors, conscient d’avoir fait une grande découverte, il prit la photo et la brandissant à bout de bras, il se mit à crier : « C’est une femme, c’est une femme ! » »
Deux choses, donc, que nous pouvons apprendre avec J.-D. Lajoux et ses villageois : 1, que nous avons du mal à imaginer qu’on peut ne pas savoir lire une photo, et 2, qu’une représentation « objective » -comme à travers un objectif photo- est par nature extraordinaire.
Pour terminer ce chapitre sans doute un peu trop intellectuel, pour Francine Van Hove entre autres, , voici le portrait de son père par l'artiste : une photo comme au XVIe siècle.
"C'est un homme, c'est un homme!"
vendredi 7 mars 2008
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