mercredi 25 novembre 2009

115) Le violoniste

La peinture de Van Hove est classique comme le sont la musique classique, la littérature classique, la danse classique, le chant classique...
A propos de musique et de musicien classiques, voici une très jolie histoire que je dois à une amie Américaine :

Un violoniste dans le métro

Un homme dans une station du métro à Washington, D.C. Il commence à jouer du violon. On est en janvier, le matin, et il fait froid. Il joue six pièces de Bach pendant environ 45 minutes. Pendant ce temps, comme c’est à une heure de pointe, des milliers de gens traversent la station, en direction de leur lieu de travail pour la plupart d’entre eux.
Trois minutes passent et un homme d’âge moyen remarque qu’il y a un musicien en train de jouer. Il ralentit le pas et s’arrête quelques secondes, pour ensuite se précipiter pour être à l’heure.
Une minute plus tard, le violoniste reçoit son premier dollar : une femme jette l’argent dans sa boîte en passant, sans s’arrêter.
Quelques minutes plus tard encore, quelqu’un s’adosse au mur pour écouter, mais se remet en route après avoir consulté sa montre. Il est manifestement en retard.
Celui qui fait le plus attention au musicien est un petit garçon âgé de trois ans. Sa mère le traîne derrière elle, en lui disant de se dépêcher, mais le môme s’arrête pour regarder le violoniste. Finalement, la mère le pousse sans ménagement et l’enfant se remet à marcher en tournant tout le temps la tête. Cela se reproduit avec plusieurs autres enfants. Tous les parents, sans exception, les forcent à avancer.
Pendant les trois quarts d’heure où joue le musicien, seulement six personnes s’arrêtent et restent un moment. Environ vingt personnes donnent de l’argent mais continuent de marcher sans modifier leur allure. Il ramasse trente-deux dollars. Quand c’est fini et que le silence succède à la musique, personne ne le remarque. Personne n’applaudit ni ne témoigne de reconnaissance au violoniste.
Personne ne le sait, mais celui-ci s’appelle Joshua Bell et est un des plus grands musiciens dans le monde. Il a joué un des morceaux les plus difficiles sur un violon d’une valeur de trois milliards et demi de dollars.
Deux jours plus tôt, Joshua Bell avait fait salle comble dans un théâtre de Boston où le prix moyen des places était de cent dollars.
Ce petit concert - Joshua Bell jouant incognito dans une station de métro- a été organisé par le Washington Post dans le cadre d’une expérience sociologique portant sur la perception, le goût et les priorités des gens, avec, à la clef, la question suivante :
Dans un environnement banal et à une heure inappropriée, percevons-nous la beauté ? Nous arrêtons-nous pour en jouir ? Reconnaissons-nous le talent ?
Une des conclusions possible de cette expérience peut être :
Si nous n’avons pas un moment pour nous arrêter et écouter l’un des meilleurs musiciens dans le monde jouant la meilleure musique jamais écrite, sur un des meilleurs instruments dans le monde -combien d’autres choses manquons-nous ?

Van Hove's painting is classical, the word "classical" being taken in the same sense as in classical music, classical litterature, classical dance, classical vocal... It is the best definition of it : classical.
About classical music and musicians, here is a pretty story that I owe an Amican friend :

A Violonist in the Metro

A man sat at a metro station in Washington DC and started to play the violin; it was a cold January morning. He played six Bach pieces for about 45 minutes. During that time, since it was rush hour, it was calculated that thousands of people went through the station, most of them on their way to work.
Three minutes went by and a middle aged man noticed there was musician playing. He slowed his pace and stopped for a few seconds and then hurried up to meet his schedule.
A minute later, the violinist received his first dollar tip: a woman threw the money in the till and without stopping continued to walk.
A few minutes later, someone leaned against the wall to listen to him, but the man looked at his watch and started to walk again. Clearly he was late for work.
The one who paid the most attention was a 3 year old boy. His mother tagged him along, hurried but the kid stopped to look at the violinist. Finally the mother pushed hard and the child continued to walk turning his head all the time This action was repeated by several other children. All the parents, without exception, forced them to move on.
In the 45 minutes the musician played, only 6 people stopped and stayed for a while. About 20 gave him money but continued to walk their normal pace. He collected $32. When he finished playing and silence took over, no one noticed it. No one applauded, nor was there any recognition.
No one knew this but the violinist was Joshua Bell, one of the best musicians in the world. He played one of the most intricate pieces ever written with a violin worth 3.5 million dollars.
Two days before his playing in the subway, Joshua Bell sold out at a theater in Boston and the seats averaged $100.
Joshua Bell playing incognito in the metro station was organized by the Washington Post as part of an social experiment about perception, taste and priorities of people. The outlines were: in a commonplace environment at an inappropriate hour:

Do we perceive beauty?
Do we stop to appreciate it?
Do we recognize the talent in an unexpected context?
One of the possible conclusions from this experience could be:
If we do not have a moment to stop and listen to one of the best musicians in the world playing the best music ever written, on one of the finest instruments in the world - how many other things are we missing?

114) Lire au lit

Van Hove exécute, en ce moment, une série de tableaux sur le thème “Lire au lit”. Comme seul décor, un fond blanc : blanc comme un drap de lit ou comme une toile encollée encore vierge. Sa maîtrise du dessin de la figure humaine, caractéristique de sa peinture, s’y exprime avec une force et une douceur particulières.
Exemple :Autre exemple :Dans ce deuxième tableau, le livre représenté à droite a pour titre Enseignement collectif du dessin par démonstrations orales et graphiques. Guide de la nouvelle méthode de Frédéric Gillet, Professeur à l’école municipale de la Ville de Genève. Publié en MDCCCLXIX (1869) à Paris. Livre choisi non pour son contenu, mais seulement pour sa taille, ses proportions et la couleur de son papier.
J'y jette quand même un coup d’oeil, et je lis, page 33 :

Du paysage
Le dessin de paysage, malgré la diversité infinie de ses lignes et de ses effets de clair-obscur, présente de moins grandes difficultés que celui de la figure, en ce qu’il laisse à l’artiste une somme relativement plus grande de liberté. Le type humain est un admirable résumé de l’universalité des êtres créés auxquels il est supérieur, parce qu’entre tous aucun ne réalise comme lui les conditions de l’ordre, de la proportion et de l’harmonie, élevées à la hauteur de la vie animale, de la vie intelligente. C’est pourquoi, même sans parler des difficultés que présente le rendu expressif de la vie, le dessin de la figure humaine est de tous les genres de dessin le plus difficile.

Je relis à haute voix et je demande au peintre si elle est d’accord.
- Bien sûr.
1869 : la révolution de la photographie est en cours et celle du mouvement impressionniste est sur le point de se déclencher et d'aggraver encore la situation de la peinture figurative dont les jours vont sembler comptés à un nombre croissant d'artistes et de critiques.
L’impressionnisme ? Voyons ce qu’en dit Paul Valéry dans son admirable livre Degas Danse Dessin, chapitre Réflexions sur le paysage et bien d’autres choses :

Puis l’impression l’emporte : Matière ou Lumière dominent.
On observe alors que le domaine de la peinture est envahi en quelques années par les images d’un monde sans hommes. La mer, la forêt, les campagnes à l’état désert satisfont la plupart des yeux. Il s’ensuit quantité de conséquences remarquables.
L’arbre et les terrains nous étant beaucoup moins familiers que les animaux, l’arbitraire augmente dans l’art, les simplifications, même grossières, se font habituelles. Nous serions choqués si l’on figurait une jambe ou un bras comme l’on fait une branche. Nous distinguons fort mal entre le possible et l’impossible en fait de formes minérales ou végétales. Le paysage donne donc de grandes
facilités. Tout le monde se mit à peindre.

Remarque conclusive : aujourd’hui, 70 ans après la publication de Degas Danse Dessin, plus personne ne s’étonne qu’une jambe ou un bras soit figuré "comme l’on fait une branche"; on s’étonnerait plutôt que des peintres continuent de dessiner comme avant.

Let's try to say it in english now :

These days, Francine Van Hove is doing a series of paintings on the theme “Reading in bed”. The backgroung has the color of a sheet or a blank canvas (white). Van Hove's mastering of drawing the human figure can then be expressed with a particular strength and softness.
In the second painting, the book is titled “Collective Teaching of Drawing through Oral and Graphic Demonstrations. Guide to Frédéric Gillet’s New Method". Published in MDCCCLXIX (1869) in Paris.
Although the book has not been picked for its content, but only for its look, I glance at it and read, page 33:


About landscape
Landscape drawing has to deal with an infinite variety of lines and clair-obscur effects. However it is way less difficult than the human figure drawing since it leaves relatively more freedom to the artist. The human figure is an amazing summary of all kinds of living beings. It is the most superior figure between all as it is the only one to embody so well the wonders of creation in terms of order, proportion and harmony. It is why, to say nothing of the rendering of life, the human figure drawing is the most difficult among all the different sorts of drawings.

I read it again in a loud voice and ask Van Hove :
- Do you agree?
- Of course.
1869, the revolution of photography is in progress. Impressionnism is starting soon its own revolution. The result is a critical moment for figurative art and figurative artists whose future seems to be condemned.
Impresssionism? Let see what Paul Valéry says about it in his marvellous little book "Degas Dance Drawing", chapter "Reflections on Landscape Drawing and a Lot More Items" :


Then impression wins out : Matter and Light dominate. One observes the domain of painting being invaded by images of a depopulated world in a few years. Most of the eyes get accustomed and satisfied with deserted oceans, forests and countrysides. Hence many remarkable consequences.
As we are less familiar with trees and lands than with animals, arbitrariness increases in art, simplifications, even coarse, become usual. We would be shocked if legs and arms were drawn as branches. We can hardly make the difference between the possible and the impossible in the mineral or vegetal reign. As a matter of fact the landscape offers large facilities. Everybody feels qualified to do painting.

Final remark: nowadays, 70 years after "Degas Dance Drawing", nobody would be shocked by legs or arms transformed into branches; one would rather wonder that painters drawing legs and arms looking like legs and arms still exist.